Auprès de mon arbre

Même en milieu urbain, l’arbre n’a rien perdu de son attrait et de sa puissance d’évocation. Il reste le bastion d’une nature souvent niée en ville, une source de fraîcheur et de rêverie et nous sommes de plus en plus sensibles à sa vue, à son contact. Mais selon une étude récente, les enfants aux États-Unis connaissent des centaines logos de marques mais pas un seul nom d’arbre. Et en France ? Il est aussi à craindre que les marques et les logos soient plus vite et mieux reconnus des enfants que les feuilles d’arbres. Il est vital, à travers une meilleure connaissance des arbres, de sensibiliser les enfants au vivant dont l’humain fait partie.

Choisir son arbre

Il y a dans le rapport (des arbres) au temps quelque chose de fabuleux. Quand je regarde un arbre, aujourd’hui, je me dis que c’est un spectacle que j’aurais pu observer au Crétacé. Tout s’est métamorphosé autour. Les paysages se sont transformés, l’homme est apparu, des villes ont poussé, mais les arbres, eux, demeurent. Rien n’a changé depuis leurs origines, soit il y a plus de cent millions d’années. Ils sont immuables, quasi éternels. Francis Hallé

Il existe une tradition qui veut que l’on plante un arbre à la naissance d’un enfant. Autrefois, le placenta était parfois enterré à son pied, unissant symboliquement l’arbre et l’enfant. Quel plaisir et quelle émotion pour celui-ci d’avoir « son » arbre ! La tradition perdure à certains endroits, de façon individuelle ou collective. Des grands-parents planteront un arbre dans leur jardin à la naissance de leur petit.e-fil.le, ici ou , des communes organisent la plantation d’arbres pour célébrer l’arrivée des bébés.

Ill. E. Klimt L’arbre de vie

Pour renouer avec cette tradition et pour des raisons pédagogiques, bien sûr mais pas seulement, l’idée serait que chaque élève choisisse un arbre et « l’adopte » pour une année scolaire ou plus. Une adoption toute théorique, officieuse, provisoire, le mot adoption, trop engageant peut ne pas être utilisé. L’arbre choisi peut se trouver dans la cour, le square, la rue ou autre lieu fréquenté par la classe. L’idéal étant l’endroit où se déroule la classe dehors. Le même arbre peut être adopté par plusieurs enfants. Pour eux il ne s’agira pas, à moins d’entente avec les services préposés à l’entretien des arbres, de « s’occuper » de leur arbre, d’en assurer l’entretien, même s’il est envisageable d’en ensemencer le pied, mais en premier lieu de l’observer.

Une expérience sensible

Chaque élève ayant choisi un arbre qui l’attire particulièrement. Le premier travail pourra être d’exprimer les raisons de cette attirance. Et vient le 1er contact. L’enfant pose les mains sur l’écorce, les yeux fermés, en respirant calmement. Sa concentration se porte sur ses sensations : la texture de l’écorce, le vent dans le feuillage, le son produit lorsqu’on tapote le tronc, l’odeur de l’écore…

Il est toujours possible d’aller plus loin dans la relation à l’arbre, lui parler, l’enlacer, comme cela se fait en sylvothérapie. Même si en ville on est évidemment loin du Shinrin-Yoku ou bain de forêt ! Il faut veiller aussi à ne pas forcer l’enfant à des gestes qui peuvent lui paraître saugrenus. En cas de réticence, un simple contact avec les mains ou s’asseoir au pied de son arbre dos appuyé au tronc peut suffire au début. Chacun son rythme !

« Retourner au pied de son arbre pour « passer un moment avec lui, seul à seul ». Avec des enfants, il convient d’insister sur la nécessité de s’isoler et de rester silencieux. Si les adultes en comprennent vite le sens, pour les enfants, il est bon de préciser ce qu’on fait pendant ce moment en tête à tête avec l’arbre. On peut dire : « Rien ! On ne fait rien ! » mais la réponse n’est pas toujours comprise. Alors on utilise des formules comme : « Vous pouvez rêver mais tout en étant éveillé ! » ou : « Vous concentrez vos sens sur un élément de la nature, un son… ». Ou encore : « Vous laissez vos pensées vagabonder. » Insistez vraiment sur la recherche du contact avec l’arbre. Vous pouvez utiliser des formules comme : « Tout comme vous, cet arbre est vivant ! » ou « Certains ressentent réellement des choses au contact de l’arbre. Est-ce que ça sera votre cas ? » Alors chacun part au pied de son arbre ; certains s’adossent à leur arbre, d’autres le prennent dans leurs bras à la manière d’un câlin. » FCPN Fiche Mon arbre

Grimper aux arbres

Grimper à un arbre et se tenir en équilibre sur une poutre peut améliorer considérablement les capacités cognitives, selon une étude récemment menée par des chercheurs du département de psychologie de l’université de Floride du Nord[i].

[i] Climbing a tree can improve cognitive skills, researchers say

Et Louis Espinassous voit et ressent dans le fait de grimper aux arbres une « dynamique de l’élévation, dominer le monde sans dominer personne, le frisson du risque de chute toujours présent, mais aussi la puissance du corps et la puissance de l’arbre, du végétale, du tronc, de l’écorce, de la branche, qui se répondent physiquement et sensuellement.

Le plaisir de se lover, de se laisser envelopper par la puissance rassurante du tronc, de la grosse branche, du feuillage, soit de s’élever au-dessus, de s’en aller dominer « au plus haut du grand mât », seul au-dessus du monde. » Et d’ajouter : « Partout, à la campagne, en ville plus encore, laissons les basses branches aux arbres et apprenons aux enfants à grimper dans les arbres. Offrons-leur ce bonheur, vainquons nos peurs de la chute et laissons-les grimper aux arbres. »[i]


[i] Louis Espinassous, Besoin de nature, Ed. Hesse, p. 174-175

Un travail pédagogique inépuisable

Enseigner dès le plus jeune âge l’amour des arbres est une priorité bien plus importante que tous ces grands raouts internationaux (les COP)Francis Hallé (Reporterre, 24/05/2021)

Faire connaissance avec son arbre passe par une observation détaillée qui ouvre à un travail suivi au fil des saisons. De la poésie aux mathématiques en passant par les arts plastiques, les pistes pédagogiques sont nombreuses.

Curiosité

Un des premiers exercices à réaliser pourrait être un exercice de la curiosité : prendre quelques minutes et chercher 25 questions [1] à se poser au sujet de son arbre. Sans forcément chercher les réponses. Le nombre de questions peut paraître important mais on finit par les trouver et cela rend plus dense, enrichit le rapport à l’arbre qui, de ce fait, devient encore plus vivant, plus intéressant.

[1]Baptiste Morizot, France Culture, La grande table des idées, Comment vivre parmi les autres ?

(re)connaissance(s)

Sur 2 fiches, l’une à destination de l’enseignant.e, l’autre pour les élèves, quelques pistes pour amorcer le travail et mieux faire connaissance avec son arbre.

Sources et ressources

Sur ce site…

De nombreuses ressources sont citées à la fin de chacun de ces articles :

… et ailleurs

Dernière mise à jour le 24/03/23

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